LE SERPENT ET LA LIME
On conte qu'un Serpent voisin d'un Horloger
(C'était pour l'Horloger un mauvais voisinage),
Entra dans sa boutique, et cherchant à manger,
N'y rencontra pour tout potage
Qu'une Lime d'acier qu'il se mit à ronger.
Cette Lime lui dit, sans se mettre en colère :
Pauvre ignorant ! et que prétends-tu faire ?
Tu te prends à plus dur que toi.
Petit serpent à tête folle,
Plutôt que d'emporter de moi
Seulement le quart d'une obole, (1)
Tu te romprais toutes les dents :
Je ne crains que celles du temps.
Ceci s'adresse à vous, esprits du dernier ordre,
Qui n'étant bons à rien cherchez sur tout à mordre.
Vous vous tourmentez vainement.
Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages
Sur tant de beaux ouvrages ? (2)
Ils sont pour vous d'airain, d'acier, de diamant . |