LE CORBEAU ET
LE RENARD
Maître Corbeau, sur
un arbre perché,
Tenait
en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur
alléché,
Lui
tint à peu près ce langage :
Et bonjour, Monsieur du Corbeau,
Que vous êtes joli ! que vous me semblez
beau !
Sans
mentir, si votre ramage
Se
rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes
de ces bois.
À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie,
Et
pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.
Le
Corbeau honteux et confus
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
(1) oiseau fabuleux, mythique, toujours seul de son
espèce, qui, après un siècle de vie, mourait consumé
par le feu, et renaissait aussitôt de ses
cendres. Par extension, être unique en son genre. |
Un peu de statistiques
pour commencer :
"5 fables entrent pleinement dans l'imaginaire collectif français, et constituent une partie du fonds culturel
commun, en dehors de toute "spécialisation" savante.
Ce sont :
Le corbeau et le renard
La cigale et la fourmi
Le lièvre et la tortue
La laitière et le pot au lait
Le loup et l'agneau"
Michel Schmitt, Le Fablier, 1991) (*) ( sources : Esope, fable 204 ; Phèdre : I, 13
La traduction latine de la fable d'Esope avait été donnée par Névelet
(1610). Le corbeau tenait un morceau de viande dans son bec, la phrase
finale dit : "Cette fable s'applique aux imbéciles"
La fable latine de Phèdre avait été traduite par Sacy éd. 1647. le
corbeau tenait un fromage. La traduction commence ainsi : "Celui qui est bien aise d'être loué par des paroles trompeuses,
en est souvent puni par un repentir honteux.", et se termine
par : "Cette fable fait voir ce que peut l'esprit, et que la
sagesse est toujours la plus forte.
Le corbeau et le renard
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