Les sources de la fable
se trouvent chez Esope : Le roseau et l'olivier, et chez
Aphtonius, toutes deux présentes dans le recueil Nevelet.
Cette fable est un chef-d'oeuvre , et La Fontaine lui-même la
mettait au rang de ses meilleures, au dire des écrivains qui ont fait
son éloge.
Le plan en est très clair : Le discours du chêne, celui du roseau,
enfin l'ouragan.
"Le vent ouvre et ferme le livre I des Fables, bise glacée
interrompant le chant de la cigale, aquilon vengeur jetant à bas la
superbe d'un chêne trop sûr de lui ........A partir du Livre IV, les
vents interviennent plus précisément comme les aléas qui menacent
une société conquérante, avide de développement et d'expansion, et
non plus le chêne, comme figure permanente de l'orgueil, ou la cigale
comme modèle éternel de l'imprévoyance." (Pierre Malandain
"la fable et l'intertexte" Coll. Temps Actuels);
Nous pouvons méditer cette opinion de Taine :
"La Fontaine, pour mieux frapper les orgueilleux, donne au chêne
un ton de protection insolente et le jette aux pieds de celui que sa
bienveillance voulait humilier"
Le destin du chêne et du roseau est celui des grands et des petits,
comme le montre l'illustration jointe :
(1) des motifs pour...
(2) par hasard
(3 l'aquilon est un vent du nord, violent et froid, le zéphyr un vent
léger et agréable.
(4) celui dont la tête était voisine du ciel
(5) Plusieurs expressions sont tirées de Virgile dans cette fable.
Déjà, La Fontaine faisait allusion à l'image finale dans la
quatrième lettre à sa femme, de son voyage en
Limousin, lorsqu'il parle des tours du château d'Amboise :
" Elles touchent, ainsi que les chênes dont parle Virgile,
D'un bout au ciel,
d'autre bout aux enfers.
Le Chêne un jour dit
au roseau :
Vous avez bien sujet (1)d'accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le
moindre vent qui d'aventure (2)
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est aquilon ; tout me semble zéphir (3).
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je
vous défendrais de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La Nature envers vous me semble bien injuste.
Votre compassion, lui répondit
l'Arbuste ,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu'à vous
redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté
sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le
plus terrible des enfants
Que le Nord eût porté jusque-là dans ses flancs.
L'Arbre
tient bon ; le Roseau plie.
Le
vent redouble ses efforts,
Et
fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,(4)
Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.(5) |
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Illustration
de Georges Fraipont |