Journal
de l'association pour le musée Jean de La Fontaine (suite)
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Jean
de La Fontaine ailleurs, au 21e siècle (N°11)
Jean de La Fontaine, maître
des eaux et forêts (N°12)
Jean de La Fontaine, avocat (N°13)
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Jean de La Fontaine
ailleurs, au 21e siècle (N°11)
Beit Fransa : un musée français dans le Golfe...
Non loin des champs de bataille de la guerre du Golfe, au sud-est de
la péninsule arabique se trouve un pays en forme de croissant
dont on parle peu mais qui a une position stratégique considérable
: le Sultanat
d'Oman.
En janvier 1992 le musée franco-omanais fut officiellement ouvert
par le président François Mitterrand lors de la visite
d'état qu'il effectua dans le sultanat
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La maison restaurée avec succès accueille le visiteur
dans un patio menant à la salle relatant la visite d'état
du président français.
l'ambassade de France a invité le Musée
Jean de la Fontaine à exposer les fables dans le cadre d'un échange
avec le musée franco-omanais.-
Les miniatures indiennes de la Collection Feuillet de Conches illustrant les fables de La Fontaine ont été exposées 2 fois en Inde en 2005, à New Dehli, puis à Bombay .
Christiane Sinnig-Haas,
Conservateur du patrimoine
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Jean de La
Fontaine, maître des eaux et forêts (N°12)
La carrière forestière de Jean de La Fontaine est évoquée
pour la première fois lors de la signature de son contrat de
mariage avec Marie Héricart, le 10 novembre 1647 : son père,
Charles, maître particulier ancien des eaux et forêts
lui donne à choisir entre la maîtrise triennale de
Château-Thierry et la somme de 12 000 livres en immeubles. Jean
choisit. les 12 000 livres. Il achète néanmoins cette
même charge en 1652, que tenait Philippe de Prast, le mari de
sa demi-sour Anne de Jouy issue du premier mariage de sa mère.
L'amour du poète pour cette fonction semble bien faible, mais
d'autres raisons que nous ne développerons pas ici prouvent
qu'il ne peut faire autrement. Il ne semble pas que Jean ait exercé immédiatement
sa charge de maître triennal . Les actes qui en font état
sont nombreux, mais postérieurs à cette date. C'est en
1658, à la mort de son père qu'il hérite de la
charge de maître ancien et qu'il exerce consciencieusement
ses fonctions pendant près de 20 ans.
En quoi consistent-elles ?
La maîtrise à l'époque est très étendue
et couvre certainement une vingtaine de milliers d'arpents (10 000
ha) de l'ouest de la ville jusque Epernay à l'Est, ville d'une
autre maîtrise. La fonction est double : surveillance-contrôle
et judiciaire. Le maître informe des délits
et infractions dans le cadre des eaux et forêts, préside
une séance hebdomadaire de jugement et siège l'épée
au côté. |
Il doit visiter tous les 6 mois forêts,
bois, buissons et rivières, et dresser procès-verbal
de ses inspections. Il constate la vente des futaies et taillis, l'âge
et la qualité des bois, l'état des fossés, chemins
et bornes. En outre, la surveillance des marchands de bois, des ouvriers,
des gardes, des riverains, lui incombe. Il cote et paraphe les registres
de la maîtrise, tient le rôle des amendes, restitutions
et confiscations. Il a une clé du coffre où est gardé le
marteau servant à marquer les arbres à abattre. Il indique
les mesures à prendre concernant les fossés, les rivière
et les étangs, s'assure du bon écoulement des eaux, fait
supprimer les barrages non autorisés et prescrit les travaux
de désensablement. Le poisson à cette époque est
un élément important de l'alimentation puisqu'on doit
manger maigre souvent. Il est responsable aussi de la surveillance
de la pêche.
Il exerce donc les fonctions d'ingénieur dans des domaines
aussi variés, qu'à notre époque nous nommons l'hydrographie,
l'agronomie, l'écologie, la sylviculture, la pisciculture, la
topographie, j'en passe.Financièrement, un tiers des revenus
des coupes revient à la maîtrise, auquel il faut ajouter
les émoluments de la charge, qui sont faibles Le réel
intérêt est peut-être dans tous les à-côtés
: vente de bois, amendes, revenus directs... et le contact avec la nature.
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Jean de
La Fontaine, avocat (N°13)
Nous savons que Jean de La Fontaine a fait des études de droit.
Qu'en
est-il réellement ? Diverses sources convergent, la
principale étant le discours de M. André Brun en 1928,
au Barreau de Lyon, intitulée La Fontaine et le monde judiciaire.
Le
croirait-on ? Lui que La Bruyère nous décrit balbutiant,
incapable de soutenir une conversation un peu suivie. Pourtant, c'est
la réalité vers 1646 : Jean de la Fontaine devint
avocat. Après l'Oratoire où il resta environ dix-huit mois,
et où il préféra la lecture de l'Astrée à celle
de St Augustin et de St Thomas, il revint à Château-Thierry
où il goûta les plaisirs de son âge.Cependant, son
attirance pour Paris et le désir de rejoindre ses amis furent
les plus forts et lui firent trouver un prétexte pour convaincre
son père de la nécessité d'y retourner. Connaître
les arrêts rendus par le Parlement de Paris concernant lois et
jurisprudence, afin de lui permettre de mieux exercer ses fonctions de
maître des eaux et forêts et capitaine des chasses, serait
bénéfique à Charles de La Fontaine. L'autorisation
d'étudier le droit ne pouvait donc être refusée à Jean,
son père ne pouvait que l'encourager à le faire.
On ne sait
pas en quoi consista sa formation juridique : reçut-il
l'enseignement du droit commun à la Sorbonne ? Fut-il dirigé dans
l'étude des Institutes (1) et du Digeste (2) par quelque souffleur
selon l'usage du temps ? Il passa certainement aisément son examen,
les sessions ayant lieu à toute époque de l'année
selon la fantaisie des candidats et " le son de l'argent faisait la bonté des
réponses " . Quant à ce que nous appellerions de nos jours
le stage, on s'occupait surtout des questions de préséance
sans se soucier de la formation professionnelle. C'était les gens
du roi qui fixaient, selon leur bon plaisir, le terme de cet apprentissage
illusoire. Bref, muni d'un bagage, léger ou pas, de connaissances
juridiques, La Fontaine fit son entrée dans le monde judiciaire.
Le nom de Jean " avocat en la cour du Parlement " figure sur un acte
notarié daté de 1649. Plaida-t-il ? Nous n'avons aucune
précision là-dessus. Il est certain qu'il fréquenta
le milieu des gens du Palais de façon assidue. Ses amis, dont
Maucroix, étaient pour la plupart des avocats, même si le
choix final de ce dernier fut la théologie.
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A cette époque, Furetière,
avocat, et Olivier Patru, grand nom du Barreau, lui firent connaître
pour le premier les trafics de tous genres auxquels se livraient les
petits praticiens du Palais, pour le second les conseils d'un maître
en la matière. L'habitude d'argumenter, à l'exemple de
ses amis, la connaissance précise de la langue du droit, les
travers du monde judiciaire ont eu incontestablement un écho
dans l'écriture des fables.
Il est certain que La Fontaine à Paris avait plus envie de
s'amuser que de plaider, et on note plus souvent sa présence
dans les cabarets et les salons mondains que dans les lieux d'exercice
des fonctions de la magistrature. Quelques années plus tard,
nous savons que l'influence paternelle aidant, il acheta la charge
de maître des eaux et forêts et que dans sa profession
il n'a pas agi en magistrat qui aurait interprété en
pur juriste les textes de lois. Son indulgence lui valut à plusieurs
reprises blâmes et remontrances, de Colbert notamment : On
l'invita à surveiller plus étroitement les braconniers.
On lui déduisit une somme importante lors du remboursement de
ses offices parce qu'il avait prélevé du bois pour se
chauffer dans les forêts dont il avait la garde. Etait-il réellement
coupable ou plutôt victime des événements de l'époque
?
Quoi qu'il en fût, il est resté avant tout un homme libre,
et, pour notre bonheur un poète qui n'a pas craint de dénoncer
le système :
[Depuis qu'il est des lois, l'Homme pour ses péchés
Se
condamne à plaider la moitié de sa vie.
La moitié ?
les trois quarts, et bien souvent le tout.]
......................
[Puisqu'on plaide, et qu'on meurt, et qu'on devient
malade,
Il faut des médecins, il faut des avocats.
Ces secours, grâce à Dieu,
ne nous manqueront pas ;
Les honneurs et le gain, tout me le persuade.]
(Le Juge arbitre, l'Hospitalier et le Solitaire, XII, 29)
(1) Les
Institutes : manuel à l'usage des étudiants en droit
(2)
Le Digeste : En 533, l'empereur Justinien donne force de loi aux Pandectes,
recueil plus connu sous son nom latin Digeste, à l'origine
du code civil napoléonien
Articles : Thérèse Pichard
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