Javascript Menu by Deluxe-Menu.com <title>fable Jean de La Fontaine : L'avare qui a perdu son trésor
portrait de Jean de La Fontaine le corbeau de la fable jardin de la maison natale actuellement le perron de l'entrée de la maison
Fable, JEAN DE LA FONTAINE, 
"L'avare qui a perdu son trésor"  Livre IV, fable 20   
 



L'AVARE QUI A PERDU SON TRESOR



L'usage seulement fait la possession.
Je demande à ces gens de qui la passion
Est d'entasser toujours, mettre somme sur somme,
Quel avantage ils ont que n'ait pas un autre homme.
Diogène là-bas (1) est aussi riche qu'eux,
Et l'avare ici-haut (2) comme lui vit en gueux.
L'homme au trésor caché qu'Esope nous propose,
            Servira d'exemple à la chose.
                Ce malheureux attendait,
Pour jouir de son bien, une seconde vie ;
Ne possédait pas l'or, mais l'or le possédait.
Il avait dans la terre une somme enfouie,
        Son coeur avec, n'ayant autre déduit (3)
            Que d'y ruminer jour et nuit,
Et rendre sa chevance (4) à lui-même sacrée.
Qu'il allât ou qu'il vînt, qu'il bût ou qu'il mangeât,
On l'eût pris de bien court (5), à moins qu'il ne songeât
A l'endroit où gisait cette somme enterrée.
Il y fit tant de tours qu'un Fossoyeur (6) le vit,
Se douta du dépôt, l'enleva sans rien dire.
Notre avare, un beau jour ne trouva que le nid.
Voilà mon homme aux pleurs : il gémit, il soupire.
            Il se tourmente, il se déchire.
Un passant lui demande à quel sujet ses cris.
            C'est mon trésor que l'on m'a pris.
 Votre trésor ? où pris ? Tout joignant (7) cette pierre.
             Eh sommes-nous en temps de guerre
Pour l'apporter si loin ? N'eussiez-vous pas mieux fait
De le laisser chez vous en votre cabinet,
            Que de le changer de demeure ?
Vous auriez pu sans peine y puiser à toute heure.
 A toute heure, bons Dieux ! ne tient-il qu'à cela ?
            L'argent vient-il comme il s'en va ?
Je n'y touchais jamais.  Dites-moi donc, de grâce,
Reprit l'autre, pourquoi vous vous affligez tant,
Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent :
            Mettez une pierre à la place,
            Elle vous vaudra tout autant (8).

Molière a présenté sa pièce "l'Avare" peu de
temps après la publication de la fable de La Fontaine.

La fable d'Esope "L'Avare" (recueil Nevelet), source
de celle de la Fontaine, se terminait par :
"La fable montre que sans l'usage, la possession
 n'est rien", morale reprise dans le premier vers de
La Fontaine. La Fontaine qui ne s'est jamais soucié
d'accumuler pendant sa vie et a toujours eu des
difficultés avec l'argent affiche son ironie envers
les avares.

(1) ce philosophe grec se moquait de l'argent et
 vivait dans un tonneau ; là-bas veut dire chez
les morts.
(2) ici-haut : sur terre
(3) distraction, divertissement
(4) bien, richesse
(5) il y songeait sans cesse
(6) un terrassier
(7) près de
(8) elle aura pour vous autant de valeur


Illustration de J.J. Grandville

L'avare qui a perdu son trésor, Grandville

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